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Jean-Guy Wallemme : "Lens peut aussi poser des problèmes à Lille"

#INTERVIEW – Légende du RC Lens pour avoir été sacré champion de France avec le club en 1998, Jean-Guy Wallemme était l’entraineur du Racing lors du dernier derby face à Lille à Bollaert-Delelis, en 2010 (1-4). Ce vendredi, Lens et Lille se retrouvent en Artois pour la première fois depuis 11 ans.


Quel souvenir gardez-vous de ce match perdu 1-4 face à Lille en 2010 ?


C’était un derby avec une grande ferveur. Si on compare à ce qui se passera vendredi, il n’y aura pas de public donc ce sera particulier. On avait fait un bon match, on avait mis de l’intensité puis Issam Jemâa prend un deuxième carton très litigieux. On s’est retrouvés à dix avec la première expulsion de Sébastien Roudet pour contestations puis à neuf avec ce deuxième carton rouge. On était revenu au score et, avec la ferveur, les garçons se sont jetés vers l’avant en se disant qu’ils pouvaient faire le break. J’étais debout pour leur montrer que, même si c’était un derby, il fallait fermer la maison et jouer en contre après être revenu au score comme on était revenu. On a pris un deuxième but puis on a craqué physiquement. Le score final est pléthorique mais des faits de matchs nous ont été défavorables. Alors, je ne dis pas qu’on aurait gagné mais le carton de Jemâa a excité tout le monde et on n’a pas eu la lucidité pour garder le score et ne pas écouter le public qui, dans ces cas-là, est passionné. On aurait dû avoir un peu plus de maîtrise et de raison.


Vous jouiez le maintien et Lille le titre, comment aborder un derby quand l’écart est si important techniquement ?


On l’abordait surtout comme un derby que le peuple attendait. On n’avait pas les mêmes ambitions mais voulait essayer de rivaliser sur un match. En septembre, on ne savait pas encore qu’on allait descendre et Lille ne savait pas non plus qu’il serait champion. On jouait en prenant compte des forces adverses parce qu’ils avaient une qualité supérieure à la nôtre. Mais collectivement et même parfois sur le jeu, on a rivalisé pendant une heure. Il est clair que les expulsions ont contrarié un peu les choses et le manque de lucidité.

Vous étiez opposé à Rudi Garcia, avec qui vous avez lancé votre carrière de coach.


On avait été associés à Saint-Etienne pas loin de dix ans avant. On s'était parlé depuis parce qu'il avait eu l'opportunité de saisir sa chance quand on était en grosses difficultés après avoir très bien commencé notre aventure commune avec trois victoires. Puis il y a eu les sept points des faux passeports qui sont arrivés et ça s’est liquéfié un peu. On n’a pas fait les bons choix, je me suis fâché avec le président qui a laissé les clés à Rudi seul. Je me suis retrouvé les derniers mois ni joueur ni entraineur. Derrière, je suis revenu à Lens. On perd le titre à Lyon mais ça m’a permis de me montrer à moi-même que je pouvais encore jouer au haut niveau et de montrer aussi aux autres de quoi j’étais encore capable. J’ai joué tous les matchs à 35 ans donc c’était un affrontement cordial, l’eau était passée sous les ponts. Il avait fait ses preuves avec Lille donc on s’était expliqués, même s’il y a une grosse déception pour moi à l’époque.


Au terme de cette saison, Lens descend et vous êtes limogé à mi-saison. Quel souvenir gardez-vous de cette saison ?


C’était difficile. La première échéance était de faire remonter le club de Ligue 2 en Ligue 1 avec la particularité d’un effectif pléthorique. On a parlé du « loft » de Bielsa mais je faisais trois entrainements par jour puisque j’avais un groupe qui voulait rester, un groupe qui ne savait pas et un groupe qu’il fallait absolument vendre. On est remonté malgré tout. La saison suivante, on termine 11e avec une équipe qui prend autour de la Ligue 1 et une bonne dynamique en Coupe de France puisqu’on perd la demi-finale à Monaco. La troisième année, on doit reconstruire l’équipe sauf qu’on n’a pas les moyens de le faire. Pour ceux qui avaient vécu la descente et la remontée, c’était compliqué humainement, il y avait une overdose. Au niveau du staff, cela ne s’est pas bien dégoupillé non plus. A partir de là, des joueurs se sont engouffrés un peu dans la brèche. Je me souviens d’un match à Sochaux où Demont et Kovacevic en viennent aux mains. C’est à ce moment que j’ai dit à Gervais (Martel) qu’il fallait changer quelque chose. C’était mon club, j’avais contribué à y remettre un peu d’ordre mais je ne voyais pas l’issue. Le seul ressort psychologique était de changer. Je suis parti dans la cellule de recrutement car Gervais voulait me garder au club. Ils ont pris Böloni et malheureusement ils sont descendus. Le derby a été un déclencheur. C’était au mois de septembre donc la saison était encore longue mais c’est vrai que c’est un déclencheur pour la suite de la saison.


L’arbitrage avait été assez sévère pour votre équipe avec deux expulsions pour contestations.


Issam qui prend un deuxième jaune. Je me souviens, c’était près du kop, il revient défendre et il accroche l’adversaire sans faire exprès. C’est malheureux mais ça arrive. Je pense que l’arbitre avait complètement oublié qu’il lui avait déjà mis un jaune dans la ferveur et dans un derby qui devenait chaud.

Garder ses nerfs est-il le plus important dans ce genre de match ?


L’émotionnel joue forcément. J’ai aussi connu des Lyon-Saint-Etienne et bien-sûr il y a cette attente des supporters. Là, l’émotionnel jouera différemment puisqu’il n’y a pas de public. Mais c’est un contexte particulier. Il y a une maîtrise nerveuse qui est très importante.

Le match aller se disputait aussi à huis-clos et Lens avait pourtant fini à 9 contre 11 et encaissé 4 buts… Cela ne vous rappelle-t-il pas le Lens-Lille de 2010 ?


(rire) Je rigole car j’allais dire qu’on avait quand même réussi à marquer un but. Les faits de match ont été différents. On avait pris les cartons tôt dans le match (41e et 46 minute, ndr) donc les expulsions avaient eu une incidence sur notre match. L’émotionnel sera sur le résultat ou sur la conséquence du résultat. Il n’y aura pas les côtés émotionnels de la « pression » du derby avec le public car il n’y aura pas le feu en tribunes. Cela se jouera sur le terrain et Lille a un avantage parce qu’ils ont une expérience supplémentaire par rapport aux Lensois qui sont plus jeunes et moins expérimentés. Des faits de match feront peut-être la différence d’un côté ou de l’autre.


Quel regard portez-vous sur ce nouveau RC Lens ?


Ils se sont bien préparés après cette remontée en première division avec un équilibre d’équipe et une organisation qui met en avant la plus-value de chaque joueur avec les trois défenseurs, les deux pistons et des attaquants qui sont dans la percussion et la vitesse. Ils ont fait des bons choix dans le recrutement. Le début de saison s’est bien passé, il y a eu quelques matchs avec un peu de réussite notamment contre le PSG avec la mauvaise relance du gardien et la perte de balle de Verratti. Trois premiers points dans l’escarcelle. Puis il y a eu une prise de conscience dans le jeu. On le voit, presque trop quand on regarde le dernier match contre Paris puisque le premier but est donné à l’adversaire. Avoir la volonté de jouer est une chose mais il faut savoir être pragmatique et efficace dans les deux zones de vérité. Ils l’ont été offensivement, il faut qu’ils le soient un peu plus. Il faut qu’ils règlent le problème défensif parce qu’ils prennent trop de buts et ils ne marqueront pas à chaque fois deux ou trois buts.


Lens parait plus solide qu’au match aller et semble avoir mûri dans la façon d’aborder ce genre de gros rendez-vous. Pensez-vous Lens capable de faire un résultat à domicile ?


Oui, ils ont progressé dans la confiance car ils ont pris des points, dans une organisation qui leur va bien où chacun est performant à sa place. Ils ont un jeu intéressant qui leur permet d'être 5e aujourd’hui. Ce n’est peut-être pas le moment pour être Européen car la saison prochaine peut être compliquée mais quand on peut choper l'Europe, on la chope. Ils n’ont pas de pression particulière, ils jouent libérés. S’ils perdent le match il n’y a pas de catastrophe car le maintien est acquis depuis longtemps. Ça leur permet de jouer selon les principes de l’entraineur. Un entraineur doit optimiser le potentiel de ses joueurs et c’est ce qu’il fait bien.


Lens n’a plus gagné de derby depuis 2006. Ça remonte à une éternité, non ?


En effet, oui. Les deux clubs ont eu leurs périodes : Lens a été champion quand Lille est descendu et ils sont revenus quand le club a été en difficulté. Vendredi, ce sont des retrouvailles entre deux équipes un peu plus homogènes avec des ambitions différentes, ça va se jouer forcément là-dessus. Je répète, il faudra être solide dans la maitrise technique et l’efficacité. Lille n’a pas besoin qu’on lui donne trop d’occasions. Par contre, on sait que Lens peut aussi poser des problèmes à Lille offensivement. Le premier but sera sûrement important.


Même si ça remonte, on peut aussi dire que Lens n’a certainement jamais été aussi fort que depuis cette époque. Pensez-vous que l’écart s’est réduit entre Lille et Lens ?


Ils avaient une belle équipe à ce moment-là. J’ai récupéré des joueurs ensuite. Il y avait des noms, on se demande encore comment ils sont descendus. Il y avait un effectif pour jouer le haut de tableau, même s’ils ont peut être trop rêvé de la Coupe de France et qu’ils y ont laissé beaucoup d’énergie. C’était une très belle équipe, la preuve c’est que c’est la dernière à avoir remporté ce derby. Après, le club est descendu, remonté puis redescendu donc il y avait moins de stabilité.


Quand vous étiez joueur, en tant que joueur formé à Lens, quelle était l’importance du derby ?


On a toujours ressenti la ferveur des supporters lensois. Quand on parle de Lens, on parle des supporters. Je ne dis pas qu’on ne parle pas des supporters pour Lille mais on va plus parler du beau stade qu’ils ont construit. La ferveur est peut être plus du côté populaire de Lens. A chaque fois, c’était entre guillemets la grande ville contre le club de campagne. Là-dessus, il y avait cette volonté de nous préparer dès chez les jeunes pour ce genre de match et pour nous préparer à ce genre de confrontations qui aurait eu plus d’importance chez les professionnels.


Avez-vous un souvenir particulier dans un derby en tant que joueur ?


Je sais qu’on a souvent fait des bons matchs à Grimonprez-Joris dans les premiers derbys que j’ai joués en étant jeune, à l’époque de Vandenbergh et Desmet côté Lillois. C’étaient des derbys âpres, où c’était aussi compliqué en tribunes et cela a parfois été chaud en dehors. C’est ce type de souvenir. Je n’ai pas de souvenir particulier, si ce n’est dès mes premières saisons des derbys avec une attente particulière quand j’étais jeune.


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