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Interview Jean-Louis Tourre : « Il y a des actualités qu'il est frustrant de vivre à distance »

#INTERVIEW - Journaliste pour RMC depuis 2013, Jean-Louis Tourre est devenu une des voix importantes de la radio ces dernières années. Il présente du lundi au jeudi « Top of the foot » de 18h à 21h avec Mohamed Bouhafsi. L'ancien présentateur de « Team Duga » a accepté de me parler de sa passion pour le foot et le journalisme.


Comment la passion pour le journalisme vous est-elle venue et avez-vous des inspirations dans le métier ou dans le football ?


Je baigne dans le foot depuis tout petit. Mon père est président du club de foot de Compiègne dans l’Oise. Forcément, j’ai trempé dans le foot très jeune et de l’autre côté, ma mère était à fond dans les médias. Il y avait toujours des journaux à la maison et elle m’a abonné très jeune à des journaux. Les médias et le foot se mélangeaient toujours. Je savais que je ne serai jamais footballeur professionnel mais je voulais quand même vivre de ma passion. Je me suis dit que journaliste me permettrait de mêler les deux et de travailler en m’amusant autour de ma passion. C’était le compromis parfait. Je me suis intéressé au métier et j’ai grandi à la fin des années 1990 donc tous les gens de l’époque ont été des sources d’inspiration.


Auriez-vous pu faire du journalisme dans un autre domaine que le foot ?


Quand j’étais adolescent, je voulais être journaliste sportif. J’ai fait une école de journalisme et, une fois dans l’école, je me suis dit que j’avais envie d’être journaliste mais pas uniquement dans le foot. Si cela arrivait dans le foot c’était bien, sinon ce n’était pas grave. J’étais guidé par le journalisme même si ce n’était pas dans le foot. Cette ouverture d’esprit m’a permis d’arriver ensuite plus étoffé dans le foot. Cela fait d’ailleurs partie des conseils que je donne à ceux qui veulent être journalistes sportifs : soyez d’abord journaliste. Il faut partir d'un aspect plus général avant de se spécialiser.


Vous avez travaillé comme correspondant à Madrid pendant 2 ans. Comment se passe la vie d’un correspondant ?


Déjà, c’était mon choix. J’étais à RTL, Karim Benzema signe au Real Madrid en 2009 et le chef des sports demande à la cantonade si ça intéresserait quelqu’un de partir à Madrid où il n’y avait pas de correspondant. J’avais envie de vivre à l’étranger et je voulais être reporter de terrain, c'est-à-dire que je me considérais trop jeune pour faire du « journalisme de bureau ». C'est une opportunité qui m'a permis de développer plein de facettes du métier que je n'aurais, je pense, pas développées en restant sur Paris. J'ai appris l'autonomie car il faut s'organiser et proposer des sujets à différents médias. Je suis parti pour RTL et d’autres médias se sont agrégés. J’ai dû réapprendre à travailler d’une certaine manière, à chercher les infos, à aller aux conférences de presse et à regarder dans l’actu de Madrid ce qui pourrait intéresser certaines antennes. Il m’a fallu 6 mois pour trouver mon rythme de croisière à tel point qu'après deux ans à Madrid, j’étais devenu correspondant d’informations générales et travaillais pour plein de médias. C’était une expérience très enrichissante.


Au sujet de votre expérience en Espagne, vous disiez récemment qu'en France, quand on aime le foot, « on est un peu regardé de haut ». Est-ce quelque chose qui vous motive dans l’exercice de votre métier,, notamment dans l'idée de parler foot au plus grand nombre ?


C’est vrai que c’est quelque chose qui m’a frappé. Je trouve que les choses ont un peu changé mais quand on dit qu’on aime le foot en France, il y a toute une partie des gens un peu intellos qui ont ce regard un peu de haut. En Espagne, quelque soit le niveau de réussite professionnelle de votre interlocuteur, il peut y avoir une conversation foot, que ce soit avec un intellectuel, un chef d’entreprise, le boulanger du coin ou le serveur du bar à tapas local. Tout le monde a un avis sur le foot et ce n’est pas quelque chose de sale. Alors évidemment, j’essaie d’en tenir compte dans ma façon de réfléchir. Je pense que quelque chose que l’After a beaucoup apporté, c’est de ne pas rester juste dans l’analyse de matchs de façon stricte mais de réfléchir davantage autour du foot. J’ai essayé de garder ça en tête dans toutes mes émissions.


Pour « Top of the foot », vous avez délocalisé l’émission à Montpellier, Rennes, Marseille ou au Parc des Princes. Est-ce aussi pour ce genre d’événement que vous aimez ce métier ?


Oui, bien-sûr. Quand on est présentateur d’une émission, on est tout le temps dans le studio à Parus et ces délocalisations nous ramènent sur le terrain, au contact des gens, et nous permettent de faire des bonnes émissions, de discuter avec les membres des clubs ou de gratter quelques infos. Quand on se déplace à Rennes, Marseille ou Montpellier, on y va pour créer l’événement sans qu’il y ait une actualité particulière. Dans ce cas, on est très contents de le faire car c’est un exercice super et qu’on a plein de joueurs à disposition pour entrer dans l’actualité d’un club. Les autres délocalisations sont axées sur un événement. C'est un événement quand Frank McCourt est sur Marseille et on est sur place quand il y a un match important de Ligue des Champions grâce aux droits télés. Et être sur place, c’est pour ça aussi qu’on fait ce métier et qu’on adore ces émissions-là.

Jean-Louis Tourre à la présentation d'une émission sur RMC (Crédit : Le Courrier Picard)

Vous étiez en vacances ces derniers jours et n’avez pas couvert l’actualité autour de la Super Ligue qui a déchainé les fans de foot. Dans cette situation, en tant que passionné d’information et d’actu, regrettez-vous de ne pas être à l’antenne ?


Un peu, oui ! Il y a des moments d’actualité qu'il est frustrant de vivre à distance. Là, c’est un peu particulier mais je me souviens qu'au début de ma carrière, quand je voyais qu’il y avait un grand match et que je ne pouvais pas être à l’antenne pendant le match ou pour le débriefer, j’étais assez frustré. Une fois qu’on est piqué, on a envie d’être toujours là pour suivre les grosses actualités.

« Top of the foot » est écoutée par plus de 550 000 auditeurs chaque jour. Quel regard portez-vous sur la réussite de l’émission ?


C’est un chiffre qui est bien moins important que « Team Duga » qui a précédé « Top of the foot » et qu’il faut tempérer. Il y a un contexte qui est très particulier en ce moment car deux tiers de nos auditeurs sont en voiture. Le schéma classique, c’est quelqu’un qui rentre du travail et écoute RMC. Il y a malheureusement beaucoup moins de gens qui rentrent du travail avec le covid puisque soit il y avait un couvre-feu à 18h, soit il y a un confinement avec beaucoup de télétravail. Cela a beaucoup baissé notre audience par rapport à la saison dernière mais je suis assez content du produit qu’on arrive à rendre. Je trouve que l’émission a progressé depuis la première en août dernier et je pense que c’est le plus important. On est sur RMC donc il y aura forcément des gens qui aiment et des gens qui n’aiment pas. Mais au fond de moi, j’ai l’impression qu’on fait une bonne émission et c’est un avis partagé par l’ensemble de l’équipe. C’est plutôt satisfaisant.


Vous avez été en binôme avec Christophe Dugarry pendant 4 ans et vous expliquiez que vous ne vous sentiez pas toujours assez légitime pour donner votre avis par rapport aux anciens footballeurs. Avez-vous évolué sur cette question ?


Au début de « Team Duga », je considérais que je n’avais pas fait grand-chose dans le journalisme et par rapport à quelqu’un qui est champion du monde, qui a eu une grande carrière et qui était dans les médias depuis 10 ans, je trouvais que je n’avais pas la légitimité pour parler d’égal à égal avec lui. J’ai toujours du mal avec les journalistes qui arrivent et donnent leur avis sans qu’on arrive à comprendre la légitimité. Je pense que cela s’acquière avec le temps. Il y a aussi une maturité journalistique à acquérir, il y a des choses à apprendre et cela ne se fait pas en claquant des doigts. Je pense que cette légitimité arrive soit par le parcours du consultant qui a fait de grandes choses sur le terrain, soit après des années de journalisme. De plus en plus, je sens cette légitimité car ça fait des années que je discute avec des anciens joueurs ou avec des entraineurs et que j’interviewe beaucoup de gens. Je pense que l’expérience donne la légitimité. Quand je vois Gilbert Brisbois ou Daniel Riolo de l’After, il n’y a plus aucune question sur leur légitimité parce qu’ils sont là depuis de nombreuses années. Après, je peux aussi entendre que des jeunes soient légitimes mais il faut qu’ils aient bossé, qu’ils aient vu une tonne de matchs et qu’ils soient béton sur leurs arguments. Un journaliste qui débute et donne son avis, on ne lui fera aucun cadeau donc il faut être encore plus béton sur le fond que les autres.


Vous avez fait de l’antenne avec Larqué, Dugarry, Di Meco, Courbis… Les débats sont souvent très animés. Est-on tenté de prendre partie et pensez-vous que le journaliste doit être neutre ?


Sur RMC, le journaliste peut donner son avis si cet avis est bon, argumenté et réfléchi. Ce que j’ai toujours eu en tête dans un débat, c’est de savoir si une position qui pourrait être audible était défendue ou non dans le débat. Si j’estimais que cette position n’était pas défendue, alors je me faisais le relai de cette position, soit parce que je la pensais, soit parce que je trouvais que cette opinion devait vivre dans le débat. C’est comme ça que j’ai toujours imaginé les choses. Par exemple, si Christophe (Dugarry) disait que Deschamps est mauvais, je me devais de faire le contrepoids soit par l’intermédiaire d’un autre consultant, soit en amenant un auditeur, soit en le faisant moi-même. J’ai toujours eu ce souci d’équilibre et si à l’inverse Christophe disait que Génésio est formidable, déjà je ne suis pas d’accord avec ça mais aussi il y a toute une partie des supporters lyonnais qui ne sont pas d’accord donc je me fais le relai de leur opinion.


Quel est votre souvenir le plus marquant dans votre métier jusqu’à aujourd’hui ?


Franchement, je ne suis pas loin d’avoir le parcours rêvé. J’ai plein de souvenirs. Je pourrais citer durant mes années à Madrid une demi-finale de Ligue des Champions Real-Barça où Barcelone gagne à Bernabeu (0-2) avec un récital de Messi extraordinaire. Je pourrais citer la Coupe du Monde 2014 au Brésil où tout RMC-BFM est délocalisé sur Copacabana et on enchaine une tonne d’émissions sur place. C’est un souvenir professionnel et humain formidable. Je pourrais citer la finale de la Coupe du Monde 2018 où on est à l’antenne avec Jean-Michel Larqué, Jano Rességuié est au stade et on vit le titre de champion du monde de l’Equipe de France en direct avec toute l’émotion que ça comporte. Puis, j’ai un souvenir qui n’est pas joyeux mais qui est marquant professionnellement qui est le soir des attentats du Bataclan. Je me retrouve à la tête d’une émission spéciale sur RMC parce que je suis le seul présentateur présent dans les locaux à ce moment-là. On ne réfléchit plus, on part sur une édition spéciale et, pour quelqu’un qui ne faisait que du sport, c’était marquant d’accompagner cette actualité dramatique qui marque les gens. Après avoir fait cette antenne-là, j’ai reçu énormément de messages de gens qui me remerciaient d’avoir été là. Entendre une voix familière dans ce contexte particulier fait souvent chaud au cœur. Cela a aussi été quelque chose de très marquant.

Jean-Louis Tourre avec Mohamed Bouhafsi pour leur émission « Top of the foot » (Crédit : abacapress)

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