#INTERVIEW - Qui de mieux qu'Eric Sikora pour évoquer le retour de Lens en Ligue 1 ? Champion de France avec le Racing en 1998, l'ancien latéral a porté la tunique Sang & Or pendant 19 saisons avant de devenir entraîneur. On parle de l'actualité du club mais aussi de son futur en tant que coach.
Comment as-tu réagi à la montée de Lens ?
C'est un grand soulagement pour tout le monde. Cela fait des années que le club se bat pour monter sportivement mais le principal est d'être en Ligue 1. C'est ce qu'on avait nous aussi connu en 1991 puisqu'on était montés administrativement. Peu importe la manière. Lens était deuxième à un point de Lorient, ils sont dans les trois premiers depuis le début de saison donc il me semble tout à fait logique que Lorient et Lens montent même si il y a Ajaccio et Troyes à un et deux points. C'est comme ça, c'est acté et c'est logique par rapport à ce qui a été fait au club depuis plusieurs années.
Qu'as-tu pensé de la saison de Lens ?
Il y a eu un départ assez compliqué, dû aussi au fait que certains avaient peut-être le traumatisme d'avoir raté la montée en barrage contre Dijon parce que je pense qu'elle était jouable. Il y a aussi eu pas mal de changements au niveau de l'effectif donc il a fallu un temps d'adaptation. C'est rentré dans l'ordre petit à petit pour être dans les premières places et, même s'il y a eu un passage compliqué début 2020, ils n'ont jamais été très loin de la montée. Il y a eu un changement d'entraîneur qui a fait que l'on s'est posé des questions mais Franck Haise a su gagner ses deux matchs pour être 2e, ce qui permet à Lens de monter avec l'arrêt du championnat.
On l'avait déjà vu avec l'engouement autour du barrage contre Dijon mais cette remontée était très attendue par le peuple lensois.
Je pense que c'est la place du club. Quand on voit les structures, le centre technique de La Gaillette, le stade Bollaert-Delelis, le public... Tout est réuni pour que le club soit en Ligue 1. Alors forcément, si on a été en Ligue 2 c'est que des choses n'ont pas marché mais c'est désormais derrière nous. Quand on voit l'affluence au stade par rapport à certains clubs de Ligue 1, il n'y a pas photo. Maintenant il faut rebâtir le club tout doucement, il ne s'agit pas de dire "on est monté" et faire n'importe quoi. Mais je pense qu'il y a des gens à la tête du club qui sont parfaitement conscients de ce qu'il y a à mettre en place pour durer en Ligue 1 et de ne pas faire des aller-retour. C'était important de monter cette année car les droits télé vont augmenter. C'est ce qui a été fait et on va pouvoir voir de nouveau le football lensois plus sereinement et s'installer de façon durable en Ligue 1.
Toi qui as croisé les nouveaux dirigeants du club en 2018, penses-tu que le club est entre de bonnes mains ?
De toute façon, ce sont toujours les résultats qui le diront. Tout peut bien aller une année et cela peut-être tout le contraire six mois après donc il faut y aller posément. Ce qui se passe actuellement avec cette maladie va laisser un peu plus de temps aux dirigeants pour prendre les bonnes décisions. Ils ont réussi ce qu'ils voulaient faire donc il faut leur faire confiance. Quand je vois les premiers noms, que ce soit pour les joueurs ou l'entraîneur, je pense que les gens en place ont la tête sur les épaules et qu'ils feront en sorte que le club se pérennise et franchisse les étapes unes à unes pour redevenir ce qu'il était il y a quelques années.
On ne sait pas encore si Franck Haise poursuivra avec le club en Ligue 1. Toi qui as été dans une situation un peu similaire, ne penses-tu pas que prendre en charge l'équipe première puisse être un "cadeau empoisonné" ? On ne t'avait pas proposé de reprendre l'équipe réserve à ton départ.
Les situations sont complètements différentes. Quand on vous propose d'être à la tête de l'équipe première, je pense qu'il n'y a pas un grand moment de réflexion et qu'il faut sauter sur l'occasion. Franck Haise l'a fait et il a bien fait. Il y a eu deux coachs cette saison : Philippe Montanier et Franck Haise et les deux sont partie prenante dans la montée en Ligue 1 même si Franck n'a dirigé que deux matchs. Il n'est pas facile de prendre une équipe à ce moment de la saison, avec cette place au classement, comme il l'a fait. Mais il a fait ce qui fallait pour obtenir deux victoires qui permettent au club de monter.
Penses-tu que Franck Haise ait l'expérience pour entraîner Lens en Ligue 1 ?
Sincèrement, je n'en sais rien. Il a aussi eu les clés de Lorient à l'époque en Ligue 1 donc c'est quelqu'un de compétent et si le club l'a mis à la tête de l'équipe c'est qu'il a confiance en lui. Maintenant, la Ligue 1 est un autre monde donc je ne sais pas s'il va entraîner. Aujourd'hui, il y a des coachs qui sortent de Ligue 2 ou de N2 et qui réussissent bien en Ligue 1 donc il faut faire confiance à ces gens-là. Mais on sait très bien que, quand vous êtes entraîneur, vous n'avez jamais le temps donc ce sont les résultats qui parleront pour lui.
Toi qui a été dans le foot pendant de très nombreuses années, que fais-tu dans la vie de tous les jours depuis ton départ de Lens ?
Je m'entretiens un peu, je regarde des matchs à la télé quand il y en a donc c'est plus compliqué en ce moment. J'ai eu la chance d'aller travailler trois fois par semaine au Pôle Espoirs de Liévin pendant un an donc ça m'a permis de rester sur le terrain et de continuer à exercer. Sinon, on attend toujours un projet. On a parlé de moi à droite à gauche dans certains clubs de Ligue 2 mais il n'y a rien de concret. Je suis toujours en attente.
Espères-tu trouver un club cet été ou penses-tu que ce sera difficile ?
C'est clair que c'est compliqué. Il y a plein d'entraîneurs sur le carreau qui attendent aussi donc, forcément, quand un club se propose, vous n'êtes pas seul sur la liste. Il faut se battre. On sait très bien aujourd'hui qu'il est compliqué de se lancer dans une carrière d'entraîneur professionnel mais pour l'instant j'ai toujours envie d'entraîner à ce niveau-là. Je me dis aussi que j'ai été un moment en formation que ce soit en U17 ou avec l'équipe réserve donc pourquoi ne pas y retourner. Mais ce n'est pas la priorité.
Comprends-tu qu'un ancien joueur avec ton vécu et qui a aussi deux expériences en tant qu'entraîneur n'ait pas réussi à retrouver un banc plus rapidement ?
Je ne sais pas, peut être aussi que l'image du RC Lens me colle à la peau. Pendant un moment, tout le monde pensait que j'étais encore à Lens alors que je n'y étais plus donc ça a peut-être joué. J'ai connu deux fois l'expérience sur un banc avec un staff, on a relevé le défi dans des conditions différentes mais des gens prennent des décisions, c'est comme ça. Il faut regarder ce qui se passe devant, se dire qu'il y a des beaux jours et qu'on est capable de rebondir et de faire du bon boulot que ce soit en France ou à l'étranger.
Par exemple un club comme Chambly se retrouve sans entraîneur. C'est un club dans lequel tu peux postuler ?
J'ai une carrière d'entraîneur plutôt en formation qu'en Ligue 2 même si je l'ai fait deux fois. Alors j'ai un peu de matchs dans les pattes, j'ai un peu d'expérience mais je ne peux pas dire "je postule chez un tel ou untel". Je suis Eric Sikora, ce serait se prendre pour ce que je ne suis pas donc je regarde ce qui se passe et toutes les opportunités sont bonnes à écouter.
Tu parlais de l'image du Racing qui te collait à la peau. Penses-tu que cela puisse refroidir certains clubs qui penseraient que tu n'es pas disposé à bouger ?
Non, je ne pense pas que ce soit ça. J'ai eu un rendez-vous avec le président d'un club belge et les mecs te jugent sur ce que tu peux faire même si j'ai aussi eu affaire à des gens un peu "space". J'ai aussi eu un rendez-vous à Paris pour un projet à l'étranger mais ils ont pris quelqu'un d'autre. Je ne suis pas déçu ou surpris, c'est le milieu du foot qui est comme ça. Tu sais en partant pour une carrière d'entraîneur que tu auras des désillusions. Pour trouver du boulot, c'est long et il y a des entraîneurs de Ligue 1 sans club qui ont une réputation bien plus importante que moi. Je ne suis pas le seul, d'autres sont sur le carreau depuis pas mal de temps donc il faut prendre ça avec philosophie et se dire qu'il y a pire que moi.
Quelle est ta relation aujourd'hui avec les dirigeants lensois ?
J'ai encore des contacts avec certains dirigeants du club et il n'y a aucun problème. Il ne faut pas croire que parce que j'ai été licencié du club j'en veux aux gens qui y sont ou que je ne suis pas content qu'il monte en Ligue 1. Au contraire, c'est mon club et j'y suis toujours attaché. Tu ne peux pas enlever autant d'années au club et tout balayer parce qu'une décision a été prise. C'est tout, c'est le football et il faut avancer.
Encore aujourd'hui, tu restes une idole à Lens. Que représente pour toi le fait d'être autant apprécié des supporters ?
Cela veut dire que tu n'as pas fait que des mauvaises choses (rire). Cela s'explique aussi par le fait que j'ai fait toute ma carrière de joueur en tant que Lensois ; je suis arrivé en 1980 et j'ai arrêté en 2004. Après ma carrière, j'ai passé mes diplômes et j'ai été adjoint avec Christophe Gardié en CFA, j'ai fait trois ans avec Eric Assadourian en U19, j'ai été champion de France avec U17 nationaux avec la génération Gbamin, Cavaré ou Plumain puis j'ai pris la N2. C'est pour ça que je représente un peu plus que d'autres pour le club mais il ne faut pas oublier ce qui a été fait avant. On parle généralement de 1998 mais il ne faut pas oublier des personnes comme Daniel Leclercq, Arnold Sowinski ou Georges Lech qui ont peut-être beaucoup plus de mérite que moi.
Daniel Leclercq et Arnold Sowinski nous ont quittés cette année. C'était la bonne année pour leur rendre hommage avec ce retour en Ligue 1 ?
Ce sont deux personnes importantes pour moi. Quand j'ai débuté, Arnold était là, j'étais en D3 quand il m'a lancé chez les pros. Et Daniel, ça reste le mec du titre avec une philosophie et un caractère à lui. C'étaient deux personnes importantes pour moi et dans une année 2020 qui est compliquée avec cette maladie et le décès de deux personnes importantes, je pense que le fait de remonter en Ligue 1 et de leur rendre hommage est tout à fait normal pour moi.
Depuis la remontée, les journaux reviennent sur les grandes heures du Racing. Qu'est-ce que cela fait de faire partie de la grande histoire du club ?
Tout ce qui repasse sur les réseaux sociaux s'explique aussi par le fait qu'il n'y ait pas de match en ce moment. On ressort les moments glorieux du club et quand tu y as passé 19 ans, tu en fais forcément toujours partie (rire). C'est bien car je vois que les échos sont positifs sur le club que ce soit de certains clubs de Ligue 1 ou des présidents. Mais cela a toujours été le cas : je me souviens que pas mal de présidents avaient fait le maximum pour que le club reste où il était quand c'était délicat sous l'ère Mammadov. C'est très important, l'image a toujours été positive et elle le restera toujours. Il faut continuer à travailler là-dessus et continuer avec ce qui a fait la force du club, à savoir un club familial avec un projet cohérent, l'apport des jeunes dans l'équipe professionnelle et avec le public.
Aujourd'hui on parle beaucoup du sportif, mais je voulais aussi avoir un petit mot pour tous les salariés du club qui ont vécu des périodes délicates avec le PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi, ndr). Certains ont quitté le club, d'autres sont restés dans des conditions moins évidentes qu'auparavant et j'espère que la montée en Ligue 1 va leur permettre de retrouver le sourire. Je pense à ces gens qui sont restés au club dans des périodes plus compliquées, c'est aussi leur rayon de soleil et je pense que ça va leur faire un bien énorme de retrouver le RC Lens en Ligue 1.
Que peut-on te souhaiter pour le futur et peut-on s'attendre à réentendre parler de toi rapidement ?
J'ai passé mes diplômes pour être entraîneur de haut niveau donc je suis ouvert à tout. Mon but est de rebondir rapidement, d'entraîner et de retrouver les terrains à la tête d'un club. Ce qu'on peut me souhaiter, c'est ça. Etre en bonne santé et revivre des émotions, c'est tout ce que je demande. Après, c'est être heureux dans ma vie, vivre de bons moments et de pouvoir exercer le métier d'entraîneur quelque part.
Je remercie grandement Eric pour sa disponibilité et sa sympathie
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