#INTERVIEW - Entraineur de Quevilly lors de la finale de Coupe de France historique du club en 2012, Régis Brouard est entraineur du Racing-Union depuis sa dernière expérience française au Red Star. Il est également consultant pour La Chaîne L'Equipe.
Quel est votre vision du football ? Comment aimez-vous faire jouer vos équipes ?
C’est un vaste sujet. En tant qu'entraineur, on a toujours une philosophie qu'on voudrait appliquer que ce soit la possession, les transitions rapides ou une bonne organisation. Il y a différents principes. Malheureusement, le maître-mot est de s’adapter à l’effectif qu’on nous met à disposition. Si on manque de qualité technique individuelle, c’est compliqué de jouer en possession. Si on n’a pas de vitesse devant, ça peut être difficile de jouer en transitions rapides. Le foot et le jeu évoluent beaucoup, on le voit bien à travers les matchs de Ligue des Champions. Il y a une priorité qui se dessine sur le jeu en transitions rapides même si des équipes jouent en possession. L’idéal pour moi est d’abord de pouvoir utiliser ces deux situations selon le scénario, l’adversité et la présence ou non-présence de certains joueurs. Si on a la possibilité de pouvoir varier, ça peut être une grande force. Ma philosophie, c’est d’abord avoir beaucoup de qualité technique. Je pense que la technique prend l’avantage sur beaucoup de choses. La technique, ce n’est pas garder le ballon pendant des heures. C'est faire des choses simples, bien se déplacer, faire le bon contrôle ou la bonne passe au bon moment. Cela donne déjà une bonne base de jeu.
Vous avez entrainé des équipes qui avaient peu de moyens financiers. Comment mettre en place un jeu séduisant ainsi qu’efficace pour gagner les matchs ?
La difficulté peut être le discours de la direction du club, qui peut demander de relancer des joueurs en situation d'échec ou des jeunes joueurs car il y a peu de moyens. Tout ça demande beaucoup de patience et de travail. Malheureusement, quand vous débutez mal un championnat par manque d'expérience ou de maturité, on commence à vous tirer les oreilles et à vous dire qu'il faudrait gagner des matchs. Il faut travailler sur l’aspect collectif mais surtout l’aspect individuel. Si vous voulez mettre quelque chose en place il faut répéter les choses, répéter les choses, répéter les choses… Cela se fait à travers des jeux structurés avec des objectifs pour reproduire les choses en match. Cela prend du temps car il faut un amalgame entre les joueurs, une relation par exemple entre le latéral droit et l’excentré droit… C’est un puzzle pas simple à réaliser mais, quand vous n’avez pas beaucoup de moyens, il faut réussir à développer et faire progresser les joueurs.
Vous parliez de savoir faire un contrôle ou une passe au bon moment. Votre statut d’ancien milieu offensif a-t-il une incidence sur votre vision du football ?
Une incidence, oui et non. Je profite de ma carrière de joueur et du fait d’avoir bien connu certaines situations de jeu pour donner des conseils aux joueurs. Je trouve que la grande difficulté des joueurs aujourd’hui est la prise d’information avant de recevoir le ballon. Il y a beaucoup trop de joueurs qui sont obligés de maitriser, de réaliser et de s’informer. Cela fait trois choses à faire en très peu de temps. Le rôle du milieu de terrain est important car si vous arrivez à vous informer avant d’avoir le ballon et à savoir faire le bon geste au bon moment en étant juste dans votre choix, vous gagnez beaucoup de temps. Si on ne prend que les exemples de Manchester City-Dortmund et Paris-Bayern, entre des philosophies différentes bien que le Bayern soit capable de faire les deux mais avait beaucoup d'absents, j'ai pris beaucoup de plaisir à regarder jouer City. Aujourd’hui on reproche à beaucoup d’entraineurs de ne pas avoir de philosophie de jeu. Deschamps par exemple est très pragmatique, il s’adapte à l’adversaire. Quand vous regardez jouer une équipe de Guardiola, il y a une vraie philosophie de jeu. Si on regarde le PSG, ils sont incroyables dans les transitions. Mais quand on regarde bien, tout part de la vision du jeu des milieux que ce soit Paredes, Neymar ou Verratti. Ils ont cette faculté à jouer rapidement parce qu’ils s’informent rapidement.
Vous êtes aujourd’hui consultant pour La Chaîne L’Equipe. Dans le cadre de votre métier d’entraineur, que vous apporte cette expérience ?
Je ne regarde pas plus de matchs en étant à L’Equipe car je regarde du foot tous les jours. Ce qui m’intéresse est de savoir comment la presse voit les matchs ou les joueurs. J'ai aussi la curiosité d’écouter d’autres avis ou d'autres conceptions car on a une vision des choses quand on est avec les joueurs tous les jours qui est différente de quand on regarde les matchs à la télévision. Cela me permet d’ouvrir mon esprit, de ne pas être arrêté par rapport à ce que je fais. Il y a donc une curiosité de savoir ce que pensent les journalistes mais aussi les autres consultants car il n'y a pas que des journalistes.
Vous côtoyez des consultants comme Raymond Domenech, Johan Micoud ou Ludovic Obraniak qui ont leur propre vision du football. Echangez-vous avec ces anciens entraineurs ou joueurs sur des principes de jeu ?
On ne discute pas de ça. Les grandes discussions qu’on a portent sur des matchs qu’on regarde ensemble. Chacun expose ses idées pendant le match, il y a simplement des échanges entre des visions du football et des générations différentes. Raymond Domenech a notamment été sélectionneur de l’Equipe de France donc il sait comme ça se passe, d’autres sont en train de devenir entraineur et je suis entraineur au quotidien donc on échange beaucoup sur les matchs. Mais on ne discute jamais de la façon dont on aimerait faire jouer notre équipe.
En tant qu’entraineur et observateur, quelles équipes aimez-vous regarder cette saison en Ligue 1 ?
Monaco et Lille. Et bizarrement dans deux organisations et deux options de jeu différentes. Le LOSC est très organisé dans son 4-4-2, un bloc mi-terrain, et ce qui est agréable à regarder, c’est que chacun sait ce qu’il a à faire dans sa propre zone et par rapport à ses coéquipiers. Il y a une alchimie qui s’est faite et un collectif qui fonctionne très bien en dehors des qualités individuelles des joueurs. Monaco, c’est cette variété de passer à trois ou à quatre derrière par rapport à des situations de jeu et la projection sur le domaine offensif où ils finissent souvent à quatre ou cinq dans la surface. On ne s’en rend pas compte mais cela demande beaucoup de travail par rapport à des sorties de balle, des projections ou à l’équilibre d’équipe. Monaco prenait beaucoup de buts à une période et a rectifié son équilibre défensif mais cela ne l’empêche pas d’attaquer comme il le faisait déjà. J’apprécie ces deux équipes dans deux styles différents.
Vous ne restez jamais très longtemps dans les clubs que vous entrainez. Est-ce un choix personnelle ou est-ce lié à la difficulté d’obtenir des résultats deux saisons de suite ?
Il y a eu des choix. Je suis resté quatre ans à Quevilly. Au bout d’une année ou deux, il y a souvent des malentendus ou des incompréhensions sur la politique du club, le recrutement ou la façon de voir les choses. Je n’ai participé pratiquement qu’à des montées dans toutes les divisions. Je suis monté de National 3 en National 2, de National 2 et National 1 et de National 1 en Ligue 2. On a fait une finale de Coupe de France et une demi-finale avec Quevilly. Il me manquerait aujourd’hui une montée de Ligue 2 en Ligue 1. Mais je n’arrive pas toujours à l’expliquer. Il y a parfois eu des disputes ou des désaccords avec la direction des clubs. Cela me navre souvent car ce qui me plait est de construire. C’est ce qui s’est passé à Quevilly et on m’a laissé faire : j’ai eu du temps, j’ai pu choisir les joueurs mais à un moment ça cafouille et on est obligés de se séparer malheureusement.
Votre dernière expérience en France date de 2018 au Red Star (Ligue 2). Aimeriez-vous entrainer de nouveau en France ?
Le football en France me manque. J’ai pris la décision d’aller à l’étranger pour vivre d’autres expériences, comme au Luxembourg actuellement où le football se développe. Il y a beaucoup de Belges, de Français, d’Allemands, de Luxembourgeois et d’entraineurs étrangers. On voit que le football se développe à grande vitesse à travers les progrès de l’équipe nationale. On est en train de jouer une qualification pour les préliminaires de l’Europa League. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire à tous les niveaux. Mais le football en France me manque.
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