#EURO2020 - Mardi, 21h, les Bleus débutent l’Euro par un déplacement à Munich pour affronter l’Allemagne. J’ai échangé avec David Fioux, correspondant en Allemagne pour le journal L’Equipe, à quelques jours du match.
Il y a cinq ans, les Bleus battaient la Mannschaft (2-0) en demi-finale de l’Euro 2016. Antoine Griezmann faisait lever le stade Vélodrome par deux fois et mettait fin au règne des champions du monde sacrés deux plus tôt au Brésil. Grands favoris, les Allemands sortaient aux portes de la finale. « Les Allemands ont toujours l’impression qu’ils étaient un peu plus forts », m’explique David Fioux, correspondant pour le journal L’Equipe en Allemagne. Leur colonne vertébrale était absente : Hummels suspendu, Gomez et Khedira blessés. Cette défaite fait partie des choses dont ils se souviennent aujourd’hui ». La France s’était hissée jusqu’en finale et se présente cette fois dans la peau du favori, forte également de son statut de championne du monde. C’est à travers ce statut que sont vus les Bleus de l’autre côté du Rhin, et notamment par les joueurs de la National Mannschaft. Toni Kroos (102 sélections, 17 buts) disait vendredi : « il est clair que la France est le favori ». « Les anciens joueurs font notamment figurer la France comme favori numéro un », rapporte David Fioux. Devant les autres « gros » comme le Portugal, l’Angleterre, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas ou l’Espagne, donc. « Les Allemands savent que ce match sera très difficile et ils le craignent aussi car ils savent qu’ils n’ont pas une équipe aussi compétitive, même si ça ne veut pas dire qu’ils ne battront pas la France ».
« Il y en a encore qui pensent que l’Allemagne se dirige vers la catastrophe » (David Fioux, journaliste L’Equipe)
Car malgré leur statut de grande nation et leur expérience, les Allemands refusent de se mettre en avant, conscients notamment de leur parcours tumultueux et de leurs faiblesses depuis trois ans. « Nous devons être honnêtes, nous ne sommes pas favoris pour le titre », reconnaissait Emre Can (34 sélections, 1 but) il y a quelques jours. Il est vrai que, depuis son élimination lors de l’Euro français, l’Allemagne n’a pas brillé. Elle n’a pas rassuré non plus. Eliminée au premier tour du mondial 2018, la Mannschaft aura à cœur de « montrer au monde entier que [cette] élimination précoce au mondial était juste un accident », comme l’expliquait Can au média Sport1. Le milieu de terrain de Dortmund ne cache pas son ambition. Pourtant, les Allemands comptent peu de références depuis trois ans. Depuis deux ans, dans les matchs à enjeu, l’équipe de Joachim Löw s’est notamment inclinée face aux Pays-Bas et a sombré face à l’Espagne (6-0) en Ligue des Nations. Plus récemment, elle n’a pas convaincu en perdant contre la Macédoine du Nord (1-2) et en étant accrochée contre le Danemark (1-1) dans un système en 3-4-3 qui se met encore en place. « Il y a encore des gens qui pensent que l’Allemagne se dirige vers la catastrophe, et il y en a qui pensent qu’elle peut créer une bonne surprise. La situation a évolué en trois mois », note David Fioux. En effet, il s’est passé quelques choses depuis le mois de mars. Sélectionneur depuis 2006, Löw a annoncé qu’il quitterait son poste à l’issue du tournoi et a décidé de rappeler les expérimentés Hummels et Müller, écartés en 2019 dans le but de renouveler l’effectif. « Il n’a plus de compte à rendre et, s’il faut se priver d’un cadre qui n’a pas été bon, je pense qu’il le fera. Hummels et Müller apportent énormément d’expérience, l’Allemagne a un peu plus de repères avec eux. Cela lui donne plus de certitudes et de confiance avant d’affronter la France ».
« La France impressionne par ses résultats et ses individualités capables de faire la différence »
Le retour des champions du monde 2014 était largement réclamé par l’opinion publique allemande mais il ne règle pas tout. Loin de là même. « Il y a d’abord le constat unanime de la faiblesse du couloir droit », souligne David Fioux. Malgré son écrasante victoire contre la faible Lettonie (7-1) dans son nouveau système à trois derrière, l’Allemagne a peu de garanties. Le polyvalent Kimmich a été utilisé dans le couloir droit, laissant la place au duo Gündogan-Kroos dans l’entrejeu (Goretzka est, lui, forfait pour le premier match). C’est l’une des volontés de Löw. « Ce changement de poste permet de libérer une place au milieu donc, en Allemagne, on considère que c’est plutôt une bonne idée. Cela permet de faire entrer d’autres milieux de terrains qui sont le point fort de l’équipe ». Si l’Allemagne est en rodage, c’est aussi parce que la meilleure équipe qu'elle a battue en 3-4-3 depuis deux ans est l'Ukraine et que c'est un système dans lequel elle n'a pas évolué de manière régulière. En plus, c’est un système qui est en rupture avec ce qui a fait la réussite de la Mannschaft ces quinze dernières années : depuis l’intronisation de Löw, les Allemands ont presque toujours évolué en 4-2-3-1 et ont été champions du monde en 4-3-3. « Löw n’a pas un plan figé pour toutes ses équipes, explique le journaliste pour L’Equipe. Il veut une équipe qui soit très flexible, il s’adapte aux joueurs et à l’adversaire. Pour lui, c’est naturel ». Au milieu, le potentiel est toujours aussi important malgré les turbulences rencontrées par la Mannschaft. Mais sur les côtés et défensivement, l’Allemagne est plutôt friable et c’est une autre raison qui a poussé l’entraineur allemand à renforcer sa charnière centrale. Il devrait normalement s’appuyer sur la solidité d’Hummels – bourreau des Bleus en 2014 – Ginter et Rüdiger, récent champion d’Europe avec Chelsea.
Ainsi, Gosens et Kimmich devraient occuper les couloirs. Le Bavarois, qui a disputé la grande majorité de ses matchs au milieu cette saison, jouera à droite, faute de mieux. Le joueur formé à Stuttgart (55 sélections, 3 buts) a joué très haut sur le terrain contre la Lettonie et s’est montré juste techniquement. Si les latéraux allemands évoluent quasiment comme des ailiers, la priorité de Löw sera quand même de conserver un équilibre et protéger sa défense, notamment face à la vitesse de Mbappé lors du premier match. Cette saison, le Français a impressionné l’Allemagne en marquant deux fois à l’Allianz Arena contre le Bayern. L’attaquant parisien dit lui-même dans France Football : « ma vitesse fait peur. Quand je ne joue pas, le bloc adverse est plus haut. Quand je suis là, ça recule automatiquement de trente mètres, même pour une équipe comme le Bayern Munich réputée pour jouer assez haut ». Pour David Fioux, « c’est le joueur le plus craint par les Allemands. Il suscite une fascination par sa vitesse, sa précocité et sa personnalité. Il a l’image de la superstar française ». L’Allemagne garde en mémoire les performances de « Kyky » lors du dernier mondial ou cette année en Ligue des Champions.
En France, le retour de Benzema suscite beaucoup d’attente et de confiance. L’association Kanté-Pogba au milieu de terrain, derrière Griezmann en meneur et Mbappé en premier fer de lance, fait également rêver. Les champions du monde en titre sont grands favoris de la compétition mais Deschamps, mieux que personne, sait que rien n’est jamais joué d’avance. Beaucoup craignent un « remake » de la Coupe du Monde 2002, où la France s’était aussi présentée avec un trio d’attaque de rêve (Cissé, Trezeguet, Henry) mais était sortie dès le premier tour. En Allemagne, le sentiment inverse domine traditionnellement. « Quand le tournoi se présente, il y a vraiment cette croyance que l’Allemagne répondra présente. La formule « ein turnier Mannschaft » (une équipe de tournoi) existe d’ailleurs pour la caractériser ». En 2018, les Allemands étaient passés au travers mais manquent rarement (ou jamais) deux rendez-vous de suite. « Le Mondial 2018 a été une rupture dans l’histoire, c’est pourquoi il y a des doutes sur les chances de titre de l’Allemagne. Mais les vertus allemandes se réveillent généralement quand le tournoi est lancé ». Réponse mardi lors de France-Allemagne (21h, Munich).
Compositions probables :
Allemagne (3-4-3) : Neuer - Ginter, Hummels, Rüdiger - Kimmich, Gündogan, Kroos, Gosens - Havertz, Gnabry, Müller
France (4-3-3) : Lloris – Pavard, Varane, Kimpembe, Hernandez – Kanté, Tolisso/Rabiot, Pogba, Griezmann, Mbappé, Benzema
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