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Interview de Thomas Desson : "Je rêve de pouvoir parler "sportainment" : sport et divertissement"

Dernière mise à jour : 23 févr. 2020

#INTERVIEW - Il est l'un des visages familiers des abonnés de BeIN Sports. Présentateur de L'Expresso tous les matins et de Salon VIP pendant la Coupe du Monde où il reçoit différents invités pour parler de l'actualité du Mondial, Thomas Desson me parle de son parcours et de sa passion pour le sport, notamment pour le FC Nantes.

Pourriez-vous d'abord revenir sur votre parcours ?

J'ai un parcours assez atypique. A l'époque j'avais fait un bac S, puis j'ai tenté des DUT à Bordeaux et Tours. J'ai dû finir deux-centième au concours sur 1300 demandes pour 30 places. Les profils littéraires étaient sans doute devant moi. Je me suis demandé ce que j'allais faire de mon année et je suis parti aux Etats-Unis pour intégrer une université. J'avais une grosse appétence pour les sports et l'univers américains donc je suis parti vivre à San Diego et j'ai presque eu envie de rester vivre là-bas. J'y ai vécu 4 ans et demi avant de vivre un an à Los Angeles. L'avantage des Etats-Unis c'est que tu as tout de suite l'opportunité de faire des stages. Je suivais des grandes équipes dans de belles enceintes. Mes premiers jobs étaient en anglais. J'ai travaillé pour Fox Sports World, à Los Angeles, où je suivais le rugby et le football mexicain. Ensuite je suis retourné en Europe pour faire un master avec Eurosport à Madrid puis j'ai été pris à Eurosport International où j'étais reporter en anglais et en espagnol pendant quelques années. J'étais parfaitement bilingue (rire), je parlais français comme Jean-Claude Van Damme parce que j'avais passé six ans aux Etats-Unis. L'avantage d'Eurosport, c'est que tes collègues soient norvégiens, anglais ou suédois... J'ai pas mal parcouru le monde pendant trois ans et je voulais vraiment commenter donc à partir de 2006-2007 je suis passé aux commentaires. J'ai fait moins de reportages et j'ai commencé à travailler en freelance. A Eurosport j'ai commenté beaucoup de boxe et de sports de combat. Je suis passé par Canal+, par W9 puis j'ai été pris par Charles Biétry en 2012 pour commenter le foot et la boxe à BeIN Sports.

Vous suivez surtout le football sur BeIN Sports, mais y-a-t'il un sport que vous préférez regarder ou commenter ?

Paradoxalement, j'ai joué vingt-cinq ans au rugby ; en fédérale 2 et en semi-pro aux Etats-Unis. Je suis rugbyman à la base mais l'évolution du rugby, beaucoup dans une notion de combat, a commencé à me faire un petit peu peur. Et moi qui ai grandi à Nantes, la fin de mon adolescence coïncide avec, de mon point de vue, la plus belle année du FC Nantes en 1995. C'est une année où il étaient quasiment invincibles. Je vais avoir 39 ans et quand je regarde les journalistes de ma génération, il y a pas mal de Nantais parce que cela nous a donné envie de faire ce métier. Je connais le rugby sur les doigts de la main car j'ai aussi un brevet d'éducateur. Mais en foot, un but me fait vibrer comme un supporter et me procure tout autant de passion. J'aime beaucoup les sports américains et j'ai de l'admiration pour les boxeurs. Puis maintenant je pratique et suis le golf parce que ça fait moins mal.

Vous parlez de sport tous les jours dans le cadre de votre métier et vous avez pratiqué le rugby. Auriez-vous aimé être un sportif de haut niveau et être de l'autre côté, dans la peau de l'interviewé ?

A 20 ans, je t'aurais dit oui car il fallait être le plus beau, le plus fort. Je faisais de la musculation à outrance et j'ai fait jusqu'à 95 kilos. J'étais dans un climat où les sportifs étaient vénérés. En France, on encense moins les sportifs, on les met moins sur un pied d'estale. Maintenant que je vais avoir 40 ans et que je suis papa, je me dis qu'heureusement que je n'ai pas été sportif de haut niveau. Il y a peut-être des revenus importants, mais on ne sait pas les accompagner émotionnellement, psychologiquement. Je reste passionné mais c'est comme l'amour et la haine, on est critique. Les événements que je commente, pour moi, ce n'est plus du sport. C'est du business. C'est du divertissement, de "l'entertainment". Les sportifs de haut niveau sont des acteurs aujourd'hui car ils sont dans un engrenage à business. Mon œil d'enfant est parfois terni par ça. Je reste passionné pendant ces quatre semaines en pleine montée d'ébullition, j'essaye de garder le côté sportif. Mais on sait qu'il y a toute une partie immergée de l'iceberg qui fait que le sport de haut niveau c'est pas que la beauté. Comme le disait Coubertin, c'est un peu ingrat aussi.


Avant de vous lancer dans le journalisme, étiez-vous intéressé ou passionné par autre chose ?

Au début, il y avait deux choses. J'ai un grand-père qui est vétérinaire, mon papa qui est chirurgien... il y avait aussi la médecine qui me plaisait. Et je me demandais ce que je pouvais faire pour être au contact de la pelouse, que ce soit le ballon ovale ou le ballon rond. Je me disais : "comment être dans une grande enceinte ?" car l'architecture me faisait rêver. J'aurais bien aimé être médecin du sport aussi et suivre une équipe. Cela m'intéresse beaucoup. Dans mes commentaires, je suis vachement intéressé par le physique,ou par la réaction du corps. J'aime bien vulgariser les choses dans mes propos et ouvrir sur la médecine du sport. C'est effectivement un autre métier qui me plaisait beaucoup. Et comme mon papa avait bien réussi, je me suis dit qu'il fallait que je réussisse dans un autre registre. Ça c'est quand on est jeune et un peu fougueux.

Sur BeIN vous commentez des matchs et vous présentez une émission. Quel est votre meilleur souvenir ou votre meilleure expérience ?

On me demande souvent si je veux faire de la présentation ou du commentaire. Mais le plus beau boulot - paix à son âme -, c'était celui de Thierry Gilardi : il animait des émissions, il faisait les news sur LCI notamment, il commentait les matchs de l'Equipe de France le soir. Ce sont deux adrénalines différentes. L'adrénaline en studio est très plaisante car il y a une interaction avec les invités, pas avec le public malheureusement. De l'autre côté, vivre une émotion dans un stade n'a pas d'égal. Quand je suis à La Beaujoire, que cela se passe bien et qu'il y a des buts, ce sont des joies inégalées. Cette année, j'ai eu le match entre Strasbourg et Dijon. La pelouse est gorgée d'eau donc tu te dis que ça va être un match nul au sens propre comme au sens figuré parce que les deux équipes avaient fait match nul. Mais c'était un match extraordinaire, épique ! Et puis il y a des fois comme mercredi matin. On a fait venir les U9 du Paris Saint-Germain sur le plateau qui avaient le sourire. Je ressors de ça et j'ai la banane aussi, ce sont des émotions particulières. C'est pour ça que c'est très addictif car ce sont des émotions que l'on a envie de revivre. Mais il faut se remettre en question parce que dès que l'émission se termine, on est déjà focalisé sur la préparation de l'émission du lendemain. On n'a pas le temps de se reposer sur des émissions positives. C'est comme pour les joueurs : à peine sorti du match, l'entraîneur te parle du prochain car c'est lui qui est le plus important.


Vous avez pu réaliser de nombreuses interviews, vous recevez de nombreuses personnalités sur le plateau de BeIN... y-a-t'il une interview dont vous êtes le plus fier ou un invité avec lequel vous avez pris le plus de plaisir ?

C'est dur sans avoir préparé... Je te dirais que le joueur de foot le plus humain, le plus sensé, celui qui a un regard sur son métier c'est le jeune retraité Jérémie Bréchet, l'ancien lyonnais. Je l'avais eu en plateau et il vient de temps en temps à BeIN. En parlant de Lyon, en terme de niveau sportif et gentillesse humaine, Sonny Anderson est très haut placé aussi. En plus il est devenu fan de golf donc on se voit en dehors du boulot... Il est aussi gentil que son sourire est grand. En dehors du foot, il y a Jean-Baptiste Alaize, un athlète amputé, qui a une énergie complètement folle. Sur le plateau, il nous a fait rire. Il a su totalement décentraliser son handicap. Tous les sportifs sont attachants et c'est pour ça que je les aime.


Vous êtes donc né à Nantes et supporter de l'équipe, qu'avez-vous pensé de la saison dernière ?

Je suis triste. L'équipe a terminé exactement à sa place, c'est-à-dire entre la 8e et la 12e place. Mais quand tu es quasiment certain d'être européen toute la saison et que tu décroches, c'est dommage. La saison d'avant, en étant 19e avec René Girard, tu finis 7e avec Sergio Conceicao et tu es 3e sur la phase retour du championnat. Donc tu te dis que finir plus fort laisse de meilleurs souvenirs que de dégringoler et faire la saison inverse. Ce que je crois surtout c'est, qu'en dehors des hommes, Conceicao et Ranieri étaient exigeants. Et les six mois pleins pots avec le portugais puis les six mois pleins pots avec l'italien ont complètement usé les joueurs. Une usure physique mais aussi psychologique - et ça c'est dommage - du fait qu'on ait parlé de Ranieri dans les trois de la short-liste pour l'Equipe d'Italie. Ensuite j'ai eu le sentiment que les joueurs ne mettaient plus un pied devant l'autre. Et c'est dommage de voir qu'il y a une telle instabilité au poste d'entraîneur. Waldemar Kita est un passionné : quand l'équipe gagne deux matchs il se sent pousser des ailes et quand l'équipe perd deux matchs, il a peur que l'équipe descende en deuxième division. C'est sa passion qui veut ça. Maintenant, depuis dix ans, qui aurait fait le travail qu'il a fait quand le club allait mal ? Mais il faudrait un peu plus de stabilité pour retrouver une équipe nantais à l'image qu'elle a en France et à l'extérieur, c'est-à-dire l'image des années 80-90 derrière elle court.

Le nouvel entraîneur, Miguel Cardoso, est toujours dans la même veine. Il est jeune, intelligent, il parle plusieurs langues. Les portugais ont la côte en ce moment. Une fois encore, cela dépendra de l'effectif, il faut être honnête. L'effectif nantais était moyen, ces entraîneurs ont su le rendre moyen-plus pendant quelques temps, mais à l'arrivée et après 38 journées tout s'équilibre. C'est pour ça que cela s'appelle un championnat.

Pensez-vous que le club puisse à nouveau jouer les premiers rôles en Ligue 1 et pourquoi pas retrouver l'Europe ?

Non, à moins d'avoir un investisseur important. Malheureusement les premiers rôles sont promis à un club, voire trois s'il y a un accident sportif ou industriel. Mais c'est comme ça partout maintenant, dans tous les grands championnats européens. Hormis Leicester qui fait un coup en 2016 avec Ranieri justement, il n'y a plus de place aux surprises. Nantes a normalement un public, un stade et une mentalité foot pour être systématiquement en Europa League ou au moins au niveau de Rennes ou Bordeaux entre la 4e et la 7e place.

Etes-vous pour ou contre le nouveau stade à Nantes ?

Je suis pour tout ce qui est nouveau. Il ne faut pas dire "c'était mieux avant". Le stade Marcel-Saupin était un stade mythique dans lequel les équipes des années 80 ont remporté plein de titres. Maxime Bossis, avec qui je commente, le connaissait bien ce stade puis il y a eu La Beaujoire qui était belle à la fin des années 80 après la construction pour l'Euro. Mais si on arrive à faire des investissements et à avoir un stade 2.0, il faut y aller. Evidemment il y a quelques réticences. Nantes, c'est à l'Ouest, une ville où on fait attention aux dépenses et comment elles sont faites. Ca se respecte, mais si le YelloPark peut aboutir et que ça amène une idée de projet comme le Bayern Munich l'a fait ou comme l'OL Land est en train de le faire, il faut foncer.

Y-a-t'il d'autres équipes, dans le foot ou d'autres sports, que vous suivez particulièrement ?

Oui, j'ai une forte appétence pour les Chargers, en NFL (National Football League), qui étaient à San Diego. Maintenant ils ont bougé, je suis un peu vexé, mais c'est la loi des franchises et encore une fois du sport business et des investisseurs. J'aime les deux équipes d'île de France en rugby ; j'ai des amis et Stade Français mais je trouve que ce que fait le Racing est chouette. Les gens du sud disent que le rugby est un sport du sud mais il faut se rendre compte que le plus grand nombre de licenciés est en île de France et qu'il y a un sacré réservoir aussi. En basket, je continue de regarder ce que font les Bulls parce que je suis de la génération Jordan-Pippen & co. J'ai encore ce cœur old school.

Suivez-vous la Coupe du Monde avec intérêt ou seulement les grosses affiches et l'Equipe de France ?

Non, alors... (rire) pas de bol ! J'ai regardé tous les matchs sauf un, que j'ai regardé d'un coin de l’œil parce que j'étais en train de retrouver des amis et qu'on était dans un bar bruyant, et c'est d'ailleurs peut-être le plus beau match jusque là : Espagne-Portugal (3-3). J'ai vu les six buts, mais j'ai eu le sentiment que l'Espagne avait perdu deux points et que c'était un exploit de Cristiano. Je regarde au moins 20 à 30 minutes de chaque matchs, celui de 20h pas souvent en intégralité parce que je me lève à 3 heures pour préparer ma matinale donc je me couche à 21h à l'heure des petits (rire). Mais je prends la tendance en première mi-temps et le lendemain je finis de préparer les news autour de ce match en arrivant au boulot. Sachant que je regarde avec beaucoup d'intérêt les matchs de 14h et 17h.

Quel est votre pronostic pour la France dans cette Coupe du Monde ?

Ce que je constate, c'est que beaucoup de monde dit que la Coupe du Monde est nulle... mais elle est extrêmement relevée cette Coupe du Monde. Il y a eu plus de 1-0 que d'autres scores. Si l'Iran s'était dit qu'il pouvait battre l'Espagne dès les premières minutes et non à partir de la 45e minute, il y aurait sans doute eu un autre score. L'Arabie Saoudite est peut-être un peu en-dessous, mais même l'Arabie Saoudite n'est battue qu'1-0 contre l'Uruguay. Pour la France, on en saura plus après le huitième de finale. Elle va se qualifier. Mais va-t-elle se qualifier contre la Croatie ou l'Argentine* ? Avant cette Coupe du Monde, je suis comme tout le monde : je me dis que ça sera dernier carré minimum parce qu'on n'a jamais eu autant de talent. Il y a 120 journalistes qui suivent l'Equipe de France en Russie alors que c'est un soixantaine d'habitude. Ca veut dire que ça fait partie du top 5 en terme d'émulation et d'attention de ce Mondial. J'aimerais bien qu'on aille dans le dernier carré.

Avez-vous des objectifs ou des rêves dans votre métier ? Aimeriez-vous faire autre chose ?

J'aime bien la présentation, j'aime bien incarner des émissions, j'aime bien quand on sort un peu du "centre, coupe de tête et but". Oui, un rêve c'est de pouvoir parler "sportainment" : sport et divertissement emmêlés un jour sur une grande chaîne. Est-ce que les Français sont suffisamment sport ? Est-ce qu'on peut leur parler sport d'une autre façon pour pas qu'ils se sentent exclus ? C'est en tout cas mon ambition quand je présente mes émissions, les faire avec sérieux mais un peu de légèreté pour que tout le monde puisse s'y retrouver.

Je remercie Thomas pour sa disponibilité, sa sympathie et ses réponses !

*Interview réalisée jeudi 21 juin 2018*


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