INTERVIEW - Après être revenu sur sa carrière de footballeur, Jean-Michel Badiane, ancien défenseur central du Paris Saint-Germain, me parle de l'état actuel de son club formateur. Le consultant à SFR Sport revient sur le mercato, le centre de formation parisien, le cas Ben Arfa et son avenir.
Que penses-tu de la dimension que prend le Paris Saint-Germain ?
L'ambition est là puisqu'elle est clairement assumée et définie. Maintenant, ce qui importe comme pour n'importe quel club est la ligne directrice qui est donnée. Non pas en termes de recrutement, de management ou de structures. Vouloir gagner la Ligue des Champions et l'annoncer, c'est bien mais il faut être capable de le matérialiser à travers plein de choses au quotidien. C'est pour ça qu'un garçon comme Antero Henrique arrive au club. Il arrive d'un club où il a beaucoup travaillé donc il connaît les rouages qui font de vous un club important qui compte à terme. La dimension financière ne suffit pas pour aller chercher des titres importants. On le voit avec Manchester City, on l'a vu avec Chelsea qui a mis plus de 10 ans avec Abramovitch pour aller chercher la Ligue des Champions. Il vous faut maîtriser beaucoup d'autres clés pour devenir un club qui atteint chaque année le dernier carré de la Ligue des Champions et qui prétend chaque année à la victoire finale.
Toi qui es formé au PSG, que penses-tu de joueurs comme Rabiot, Kimpembe ou Aréola qui sont formés au club ?
Je suis très content de l'évolution qu'ils ont. Je me suis exprimé sur le sujet à plusieurs reprises, notamment sur Adrien (Rabiot) dans la période où il était un peu chahuté par la presse, ce qui est moins le cas maintenant. Pour moi, c'est un joueur qui doit être l'avenir du Paris Saint-Germain. J'entends des choses chaque année par rapport à sa situation contractuelle, par rapport à différents clubs qui viennent taper à la porte, ce qui est normal pour un joueur qui est international et qui a un grand talent. Si j'étais encore au Paris Saint-Germain et si j'avais mon mot à dire, s'il y a bien un joueur pour lequel je fermerais toutes les portes, c'est bien lui. Quand on voit qu'il est aussi jeune (22 ans), qu'il a déjà le niveau qu'il a, qu'il n'a pas peur et qu'il a déjà tant d'expérience en Ligue des Champions malgré son jeune âge (23 matchs)... C'est un joueur qui doit rester 10 ans chez nous et il faut qu'on lui donne envie de rester chez nous.
Que penses-tu du départ de Jean-Kévin Augustin ?
Je trouve ça dommage. J'étais au courant de qui se tramait pour Augustin il y a quelques jours, mais c'est dommage parce que même si je peux comprendre l'envie du joueur de partir, surtout quand il voit des joueurs de sa catégorie comme Kylian Mbappé éclore dans leur club et que lui n'a pas le temps de jeu souhaité. Je faisais référence tout à l'heure à l'envie du club de donner à ses jeunes joueurs, ceux du cru qui sont performants, de rester. Ça arrive dans tous les grands clubs d'Europe. Il y a des joueurs auxquels vous donner envie de rester parce que vous leur donnez de la considération et les choses se font progressivement années après années. Pour les supporters du club, c'est dommage qu'on ait pu laisser partir un jeune talent comme JK.
Si tu devais faire signer un joueur à Paris cet été, quel style de joueur ce serait ?
Déjà il faut voir les joueurs qui sont sur le marché. C'est une bonne question parce que des grands joueurs, il y en a. Mais des grands joueurs qui seraient susceptibles de venir à Paris, c'est autre chose. Chaque année on voit les quotidiens alimentés de grands noms qui viennent du Bayern Munich, du Barça ou du Real Madrid. J'espère que ça sera le cas dans un futur proche, mais aujourd'hui, quel joueur installé dans ces grands clubs-là aurait intérêt à venir chez nous ? Je n'en vois pas beaucoup. C'est difficile de parler pour ce mercato-là, mais sur les mercatos précédents, je regrette qu'un joueur comme Kévin De Bruyne - qui, dans ses déplacements, sa technique, sa recherche du partenaire, a quelque chose d'extraordinaire - ne soit pas venu. Je regrette qu'on n'ait pas pu prendre un joueur comme ça quand il a quitté Wolfsbourg.
Crois-tu en Mbappé à Paris ? Serait-ce une bonne recrue pour le PSG ?
Je pense surtout qu'il peut être une bonne recrue pour le monde entier. Quand à 18 ans tu es déjà international et que tu as toute l'Europe sur toi, ça veut tout dire. Il suffit de voir ce qu'il a montré sur six mois pour voir le genre de joueur qu'il est, la marge de progression qu'il a et ce qu'il peut éventuellement devenir. Donc oui, ça peut être une bonne recrue pour le Paris Saint-Germain, mais comme je dis, c'est surtout une très bonne recrue pour le monde entier lorsqu'on voit un joueur avec tant de talent.
Faut-il être déçu que Pepe ne signe pas ?
Non. C'est un grand défenseur, même si beaucoup pensent le contraire. C'est le genre de joueur qui, à travers son état d'esprit dans un vestiaire, nous amène autre chose. Il peut nous faire passer un cap parce qu'il n'a pas peur. Dans les moments chauds, dans un quart de finale de Ligue des Champions, sur un match retour où il faut aller chercher un résultat ou en préserver un, c'est le genre de joueur qui n'a pas peur. Dans l'état d'esprit il nous amène quelque chose. Mais, même si on parle de logique de concurrence, je pense qu'entre Marquinhos, Thiago Silva et Presnel (Kimpembe), il y a déjà une logique de concurrence qui est installée. Quel message vous envoyez au jeune du centre de formation qui s'est montré très bon à chaque fois qu'il a été utilisé ? Si on avait du se séparer de l'un des deux autres et qu'on avait décidé de signer Pepe, pourquoi pas. Mais si c'est pour en prendre un quatrième et barrer la route à Kimpembe, je suis moins d'accord sur cette logique.
Que penses-tu de la situation de Ben Arfa ?
C'est compliqué parce que j'apprécie le joueur. Je connais un peu l'homme donc forcément je l'apprécie puisque c'est quelqu'un d'attachant. Maintenant, on ne peut pas se contenter de se dire ça. Je lui ai dit aussi que, vu la saison compliquée du Paris Saint-Germain la saison dernière, quel était l'intérêt d'Unai Emery de laisser Hatem sur le côté ? A un moment donné, quand on est une équipe qui survole tout comme la saison précédente avec Laurent Blanc, l'entraîneur peut se contenter de laisser son onze et faire tourner. La saison dernière ce n'était pas le cas. A un moment donné, il aurait pu tout essayer. S'il n'a pas essayé Hatem, c'est peut-être qu'il y avait une raison. Moi je ne suis pas à l'intérieur du club, donc je ne sais pas ce qu'il se passe sur les séances d'entraînement. Il faut déjà voir sur la préparation dans quel état d'esprit Hatem revient, dans quelle forme physique aussi parce que peu importe le talent qu'il a, il y a certains ingrédients qu'il faut mettre. Sans ça, vous pouvez avoir un talent comme pas possible, il ne pourra pas exister sur la durée. Et je peux comprendre n'importe quel coach qui le pense. J'ai entendu dire qu'il était revenu dans de très bonnes prédispositions cette année, c'est tout le mal que je peux souhaiter à lui et au Paris Saint-Germain.
Qu'est-ce qui te plaît dans ton rôle de consultant à SFR Sport ?
De faire ce que je faisais déjà sans être consultant à savoir prendre un billet, aller à Londres, à Barcelone, à Madrid, à Munich, à Manchester pour aller voir les matchs, voir comment les clubs évoluent parce que regarder à la télé et sur place ce n'est pas pareil. Je vois comment les joueurs évoluent également, comment les pays vivent le football parce qu'on ne le voit pas tous de la même manière. Entre les championnats anglais, portugais, chinois, la Copa Libertadores qui arrive sur SFR Sport... il y a aussi un panel assez fou en ce qui concerne les supports qui sont proposés. C'est dans la logique de ce que j'ai toujours fait, même quand j'étais joueur. C'est dans cette périphérie de toujours parler football. Et puis j'apprends beaucoup aussi parce qu'on ne commente pas de la même manière les différents championnats. On ne commente pas de la même manière le championnat anglais qui va beaucoup plus vite et le championnat chinois qui est encore autre chose. Donc j'apprends beaucoup et c'est très enrichissant.
Un rôle dans un club te plairait-il ?
C'est une question qu'on me pose souvent vu le rapport que j'ai au football. Oui, pourquoi pas. C'est une question très large donc je réponds oui. Mais je ne suis pas prêt à faire tout et n'importe quoi. On ne fait pas toujours ce qu'on veut parce que ça dépend aussi des opportunités et du timing sur certaines choses. Il y a 15 ans, quand j'ai commencé en pro, j'avais dit qu'après ma carrière je ferai une carrière d'entraîneur. C'est toujours le cas aujourd'hui, mais si c'est un autre rôle dans un club il faudra voir dans quelle mesure cela peut se faire. Le football c'est ma vie, donc j'ai un rapport tellement fort au football que forcément je ne me vois pas faire autre chose.
Je remercie Jean-Michel Badiane pour cette interview.
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