INTERVIEW - Actuellement au stage UNFP avec le groupe des joueurs libres, Guillaume Legras (27 ans) m'a accordé un long entretien durant lequel il accepte de revenir sur sa carrière, de Montpellier et la Serie C en passant par ses relations avec René Girard et sa victoire en Coupe Gambardella avec Younès Belhanda, Rémy Cabella et autres.
Peux-tu revenir sur ta carrière ?
Chez les jeunes, ma première équipe était Issoudun. C'est où je suis né et où j'ai joué jusque l'âge de 14 ans. Mais de 13 à 15 ans, j'ai fait le stage de préformation de Châteauroux. C'est également ce qu'on fait Morgan Sanson, Florian Thauvin, Valère Germain... beaucoup de joueurs sont passés par là. Donc j'étais au centre de préformation, ça s'appelle l'IFR de Châteauroux. Il y a beaucoup de recruteurs qui viennent dans ces périodes là parce que c'est quand même assez difficile d'accéder aux centres de préformation. Et ensuite, le recruteur de Lens qui me suivait est parti à Montpellier et du coup j'ai signé à Montpellier pour trois ans, en contrat aspirant. J'ai fait toute ma formation là-bas, j'ai signé deux ans stagiaire puis trois ans pro. Donc j'ai fait huit années consécutives à Montpellier sauf que pendant mes trois ans pro, j'ai été prêté à Martigues en National au milieu de mes trois années de contrat. J'ai signé vers 20 ans mon contrat pro donc à 21 ans j'ai joué à Martigues. J'ai fait mes trente matchs, une saison vraiment complète pour un joueur de 20 ans donc c'était bien. Par contre on n'a pas réussi à se maintenir mais pour la suite de ma carrière ça a été très important. Et je suis tombé sur René Girard avec qui je n'ai jamais eu un bon feeling, il ne m'a rien appris, clairement. Il ne m'a rien appris et je ne regrette pas le fait qu'il ne m'ait pas fait joué parce que l'équipe a été championne de France. Mais je n'ai pas du tout aimé son approche avec les joueurs en général, il y avait les trois quarts du vestiaires qui ne pouvaient pas le voir et je ne conçois pas le foot comme ça. C'est-à-dire qu'il y a une expérience humaine et on peut allier résultats et aventure. José Mourinho par exemple, il arrive à faire en sorte que mêmes ceux qui ne jouent pas se sentent bien. Et moi ça n'a pas du tout été le cas et je n'ai pas appris. Mais j'ai fait le dos rond, j'ai continué à travailler et donc après mon prêt à Martigues je suis revenu à Montpellier. J'ai été capitaine avec l'équipe réserve, j'ai fait quelques bancs de touche en Ligue 1 mais rien d'exceptionnel puis j'ai fait le stage UNFP pour la première fois il y a quatre ans à la fin de mon contrat pro. Et j'ai fait deux années à Barletta, six mois à l'AlbinoLeffe puis une dernière année à Vibonese. Toutes en Serie C. C'est équivalent au National ou à la Ligue 2, je le situe comme ça. Là j'ai des opportunités en Italie mais j'ai préféré faire le stage UNFP pour me donner plus d'opportunités pour retrouver un club en France. Je recherche vraiment un club qui puisse m'apporter sportivement ce que je veux et puis j'avais aussi besoin de me rapprocher de ma famille.
Guillaume Legras
Quels souvenirs gardes-tu de Montpellier ?
De Montpellier je garde de très bons souvenirs. Là j'ai appris le décès de Louis Nicollin et j'ai été très affecté parce que c'est quand même celui qui m'a donné la chance de découvrir le monde professionnel. A Montpellier, j'ai de très très bons souvenirs et hormis René Girard, tout était parfait dont le président Louis Nicollin qui veillait beaucoup sur ses petits formés au club. On a été invaincus très longtemps avec notre équipe donc il y avait une très bonne génération, et pour couronner le tout, il y a eu la Coupe Gambardella qui fait qu'on a pu avoir un titre. C'était très sympa parce qu'on est encore jeunes, insouciants et c'était vraiment cool. Moi j'ai fait tous les matchs titulaires, ça se passait super bien. On a joué une finale au Stade de France, c'est l'un de mes meilleurs souvenirs chez les jeunes.
Tu as été capitaine de l'équipe réserve, qu'est-ce que cela représente pour toi ?
Pour moi cela représente beaucoup de choses. Un peu tout et rien à la fois parce que sans l'équipe on n'est rien mais le rôle de capitaine justement je pense qu'il faut faire le relais entre le staff, le coach et certains joueurs qui peuvent être dans la difficulté ou au contraire en train d'exploser. Du coup il faut pouvoir tamponner dans les moments de difficulté et au contraire quand tout va bien, on sert presque à rien. J'ai d'ailleurs eu le brassard à l'UNFP il y a quatre ans et ça m'avait fait énormément plaisir parce que c'est gratifiant pour un joueur qui adore l'esprit collectif et moi je sais que sans les autres je peux être rien et grâce aux autres je peux devenir un très bon joueurs. Et c'est pour ça que j'aime ce rôle de capitaine, parce que c'est pour réunir l'équipe. Je pense que plus je vais monter dans les âges et plus je vais aimer avoir un rôle important dans l'équipe, sur et en dehors du terrain.
Tu es donc actuellement à l'UNFP, comment vis-tu le fait d'être sans club ?
La première fois je suis venu un peu à reculons parce que j'avais peur de ne pas retrouver de club et au final cela c'est très bien passé, j'ai fait de bons matchs et j'avais été repéré par une Serie B en Italie. Et cette fois, c'est plus un choix de ma part car j'ai des opportunités pour signer en Italie et c'est donc un choix de ma part de revenir parce que j'avais tellement bien aimé la première expérience que je me suis dit que c'était une bonne opportunité pour revenir en France. Et comme je sais qu'il y a de bonnes installations, je n'ai pas appréhendé avant de venir parce que je l'avais vécu une fois et ça c'était super bien passé la deuxième fois et il n'y avait pas de raison que cela ne se passe pas bien cette fois-ci.
Comment est l'ambiance dans le groupe UNFP ?
Les trois premiers jours, les mecs ne se connaissent pas, ils se regardent un peu en se disant "qu'est-ce que je fais là ?", "est-ce que le niveau va être bon ?"... Puis on est très vite mis dans le bain parce que les infrastructures sont très bonnes, l'encadrement est parfait, c'est tout comme dans un club donc c'est une aventure et tous les mecs sont dans la même situation. C'est vraiment une aventure humaine géniale et c'est surtout très professionnel donc au bout de trois-quatre jours, c'est réglé : tout le monde s'entend très bien et on espère les uns pour les autres qu'un club va arriver. Mais on l'oublie assez vite finalement, se dire qu'il faut qu'un agent m'appelle pour tel club est assez vite oublié et on cogite pas. Alors que d'autres restent chez eux à rien faire nous on s'entraîne, on est entre nous et on s'entraide vachement. Moi, personnellement, ma mentalité est vraiment en parfaite harmonie avec ce que propose le stage UNFP. Après je peux aussi comprendre le mec qui veut rester chez lui parce qu'il y en a qui n'ont pas vu leur famille depuis longtemps et qui ont besoin de se ressourcer avant de repartir. Mais au bout de deux-tris semaines ils commencent à cogiter et ces mecs-là je leur conseille juste une chose c'est de venir à l'UNFP.
Comment est ta relation avec le coach, Ghislain Printant ?
Très bonne Parce qu'humainement c'est un coach que j'apprécie énormément et puis avec l'expérience qu'il a pu avoir ces dernières années en Ligue 1 il a aussi beaucoup évolué dans sa carrière de coach. C'était déjà très bien à Montpellier parce que la Gambardella, on l'a gagne en grande partie grâce à lui. A l'époque à Montpellier je l'avais eu, avec Lippini et Lefèvre, les trois coachs formateurs que j'avais eus. Ils ont tous apporté une patte un peu différente. Je sais que Ghislain Printant nous avait inculqué la gagne, vraiment. Ne jamais rien lâcher, le sourire et d'un point de vue technique on était armés parce qu'à l'école montpelliéraine, ils ont des principes de jeu bien définis. Et là on voit avec ces dernières expériences à Bastia il a fait de très bons trucs et je ne comprends pas d'ailleurs qu'ils soit au chômage parce que c'est vraiment un très très bon coach. Moi ma relation avec lui est très bonne. On ne sait pas vus pendant dix ans mais j'ai l'impression que rien n'a changé et quand les personnes en changent pas c'est bon signe. Humainement, je ne suis pas surpris de voir qu'il n'ait pas changé et c'est génial de travailler avec lui. C'est vraiment un plaisir tous les jours.
UNFP
Que retiens-tu de ton aventure italienne ? Quelles sont les différences avec la France ?
La vie en général, il y a une grosse distinction entre le Nord et le Sud. Moi j'ai plus vécu dans le Sud même si j'ai pu connaître les deux. Dans le Sud, c'est très chaud, il y a beaucoup plus de supporters, ça vit le foot. Alors que dans le Nord, c'est un peu plus froid, il n'y a pas grand monde dans les tribunes. Dans le Sud ça peut être plein, j'ai vu des 20 000 spectateurs dans des matchs de Serie C, c'était génial. La situation est un peu plus difficile pour trouver du travail et on le ressent aussi au quotidien, donc il y a du bon et du mauvais mais il y a vraiment un distinction entre le Nord et le Sud. Sinon j'ai vraiment trouvé ça génial, dans le savoir-vivre. Au niveau foot, dans le vestiaire, on sent vraiment qu'il y a une autogestion, on n'a pas besoin que le coach nous réprimande sur tel ou tel truc donc c'est assez agréable à vivre au quotidien. En France aussi, j'ai trouvé qu'il y a une amélioration. Mais en France j'étais plus jeune, peut-être un peu trop pour juger ces choses-là. J'ai adoré la vie en Italie, on y mange bien donc j'ai beaucoup aimé. Mais la France et l'Italie sont deux pays qui finalement se ressemblent pour pas mal de choses. Chacun a de belles choses à visiter et puis si je dois parler au niveau du foot, ce qui change vraiment c'est la tactique et en Italie c'est vraiment quelque chose ! Donc d'un point de vue tactique j'ai appris beaucoup de choses.
Tu as aussi joué en Equipe de France chez les jeunes, est-ce un regret de ne jamais avoir joué plus haut chez les Bleus ?
Déjà c'était un rêve de chanter la Marseillaise et je l'ai réalisé donc je suis fier de moi par rapport à ça. Evidemment que tout joueur qui évolue et qui arrive à signer un contrat professionnel un jour se pose la question de savoir si un jour l'Equipe de France arrivera. Je pense que c'est vraiment l'élite du football donc c'est très très dur d'y arriver. Je n'ai pas de regret car moi j'ai toujours tout donné dans le foot, j'ai toujours mouillé le maillot donc je ne peux pas avoir de regret. Par contre, je ne peux pas te cacher que c'est un rêve que j'ai toujours eu étant gamin et ça restera certainement un rêve jusqu'à la fin de ma carrière mais ce n'est pas grave. Je le vis très bien et je suis déjà très heureux d'avoir connu des sélections en -20 ans et je remercie notamment François Blaquart qui m'avait sélectionné à l'époque.
Quand tu regardes les carrières de ta génération (Stambouli, Belhanda, Cabella...), y-a-t-il de la déception de ne jamais avoir joué au très haut niveau comme eux ?
On est forcément un peu déçu, après j'ai 27 ans et ce n'est jamais vraiment fini dans le football donc on sait jamais ce qui peut arriver. Il y a des mecs qui connaissent les plus hautes divisions qu'à trente ans. Moi je ne désespère en rien, je ne vais jamais rien lâcher dans la vie, je pense qu'il faut aller au bout de ses rêves jusqu'à ce que le corps nous dise de nous arrêter. Je ne désespère pas et je suis vraiment très heureux pour eux parce que ce sont des bons mecs, dans un premier temps, et puis ils ont réussi à aller jouer des matchs de Ligue des Champions. Je leur souhaite vraiment de continuer, de ne jamais rien lâcher. Mais je savais déjà à l'époque que ceux qui signent pro n'ont pas tous les mêmes trajectoires et heureusement j'ai une famille qui m'a inculqué des valeurs : je ne me suis jamais enflammé... En restant les pieds sur terre on ne peut pas vraiment tomber dans la vie, même quand il y a des coups durs. Et moi je suis content de m'être accroché parce que j'ai vécu de belles années en Italie, j'ai retrouvé le plaisir de jouer et je sais que je suis équipé jusqu'à la fin de ma carrière.
Est-ce que tu gardes tes contacts avec les joueurs de ta génération ?
Oui bien-sûr. Avec Rémy Cabella, on s'est vus il n'y a pas très longtemps car on a été à un mariage ensemble d'un ancien de notre génération, Aurélien Ginestet. Lui, malheureusement, n'avait pas pu signer pro. Mathieu Deplagne est de 1991 mais j'ai gardé vraiment contact. J'ai eu récemment, même si on se voit beaucoup moins, Teddy Mézague. On suit nos trajectoires, à travers les réseaux sociaux. On était un groupe soudé et si on se revoit tous ensemble un jour sur un terrain, ce sera comme si on ne s'était jamais quitté. Evidemment ce sont des années qui marquent notre carrière, notre vie même parce qu'on est jeunes et confrontés à nous-mêmes. J'ai gardé contact avec pas mal de gens mais on ne peut pas garder contact avec tout le monde.
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Tu es sans club, quel type de clubs recherches-tu ? Le type de jeu d'une équipe peut-il peser dans ta décision ?
Disons que je recherche avant tout un club professionnel, donc qui évolue en National ou en Ligue 2. Je sais qu'il y a aussi des contrat fédéraux en National et je suis prêt à signer parce que c'est un championnat que je connais. National ou Ligue 2, ce sont vraiment des clubs que je vise et je sais que j'en ai vraiment les capacités. Je suis dans l'attente mais je sais que ça viendra. Après pour le style de jeu, je ne connais pas trop le style de jeu des équipes, les entraîneurs peuvent changer d'une année sur l'autre. Moi, c'est plus le système de jeu. C'est vrai que si le coach me demande de jouer attaquant, je lui dirai que je ne suis pas attaquant. Evidemment, je peux jouer au milieu de terrain, que ce soit en numéro six ou en milieu relayeur. Je peux même jouer côté droit dans un 3-5-2, j'ai joué comme ça en Italie sur la fin mais il n'y a pas beaucoup de coachs qui jouent en 3-5-2. Je m'informerai, si j'entends qu'un coach veut jouer dans tel ou tel système, je verrai si mon profil peut les intéresser. Si c'est un coach qui me demande de mettre vingt buts par saison, je lui dirai que ce n'est pas mon profil évidemment. Mais s'il me demande de gratter des ballons, d'avoir un gros abattage et faire le relais entre le milieu et l'attaque, je lui dirais qu'il faut qu'il me prenne (rire).
Tu es donc milieu de terrain, qu'est-ce qu'il te plaît à ton poste ?
Ce que j'adore, c'est qu'ont est concerné tout le match. Si on domine énormément, un défenseur peut trouver le temps long. A contrario, il va être hs s'il ne fait que défendre. Alors qu'au milieu de terrain, on est concerné dans n'importe quel type de match parce qu'on est dans le cœur du jeu et ça m'intéresse vraiment. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer dans un match à part si ça ne joue pas au ballon. Mais j'ai toujours aimer courir, courir, courir sans m'arrêter et récupérer des ballons. Maintenant j'ai appris d'autres choses techniquement en Italie qui me font encore plus aimer le poste parce que j'ai appris à me projeter vers l'avant alors que quand on est en défense c'est un peu plus compliqué. Au milieu de terrain, on peut tacler, frapper de loin, faire des transversales... c'est un jeu qui est vraiment très complet même si ça dépend ce que demande le coach. On s'ennuie très difficilement dans un match en étant au milieu de terrain est c'est vraiment agréable, c'est ce que j'adore.
Tu as une carrière atypique, quel bilan en tires-tu pour le moment ?
J'au dû m'accrocher. J'ai une carrière atypique parce que je suis parti à l'étranger en passant par l'UNFP. Ca n'a pas été toujours facile mais ça peut aussi être difficile pour un joueur qui évolue en Ligue 1. D'un point de vue personnel, c'est un bilan très enrichissant. J'ai eu des moments très difficiles à cause de René Girard où je n'ai pas appris grand chose. Mais j'ai bien rattrapé le temps derrière et je suis très fier de ne pas m'être abattu à ce moment-là et s'avoir pris sur moi. Ma famille m'a énormément soutenu. Je suis vraiment fier de la façon dont j'ai su rebondir parce que cet entraîneur ne m'a vraiment pas aidé pour rebondir. Et je me suis démontré à moi-même que j'avais toutes les capacités pour rester dans le monde professionnel et c'est ma plus grande fierté. Donc c'est un bilan très positif de ce côté-là.
FC Martigues
Je remercie Guillaume Legras pour sa sympathie, sa disponibilité et ses réponses.
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